Par Mónica Martí-García, Senior Project Manager, European Judicial Training Network
Avec
l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, la justice devient une
politique solidement établie au niveau européen qui se consolide, dans
ces dernières années, par l’adoption d’importantes mesures législatives
ayant un impact direct non seulement dans les systèmes judiciaires des
États membres mais aussi dans la vie des citoyens européens.
Le
traité de Lisbonne a donné compétence à l’Union européenne pour fournir
« un soutien à la formation des magistrats et des personnels de
justice» sur des sujets liés à la coopération judiciaire en matière
civile et pénale.
Dans
ce contexte, la formation judiciaire est un outil indispensable de
l’espace européen de justice pour s’assurer que les droits garantis par
la législation de l’Union européenne deviennent une réalité, pour
accroître l’efficacité des systèmes judiciaires dans les États membres
et pour renforcer la confiance mutuelle et la reconnaissance des
décisions des praticiens du droit dans leurs systèmes judiciaires
respectifs.
La
mise en œuvre d’une véritable culture européenne en matière de justice
exige que le développement du droit de l’Union soit accompagné de
mesures garantissant le principe de sécurité juridique et une
interprétation uniforme du droit de l’Union. Ainsi la formation des
professionnels de la justice dans l’UE, compétence qui relève
principalement de chaque État membre, requiert un contexte juridique et
institutionnel cohérent et efficace afin de garantir l’Etat de droit,
l’indépendance du pouvoir judiciaire et le respect des principes et
valeurs démocratiques sur lesquels l‘UE est fondée.
À
l’automne prochain, une nouvelle Communication de la Commission
européenne accompagnera l’adoption de la nouvelle stratégie de l’UE en
matière de formation judiciaire pour la période 2019-2025. Les
institutions européennes, voire le Parlement européen et le Conseil de
l’UE dans sa formation Justice auront un mot à dire sur le sujet.
Les
antécédents de cette nouvelle stratégie, très attendue par les milieux
concernés, reposent sur la Communication de la Commission de 2011 «
Susciter la confiance dans une justice européenne. Donner une dimension
nouvelle à la formation judiciaire » qui établit des objectifs ambitieux
et mesurables afin de permettre à la moitié des praticiens de l’Union
européenne de prendre part à des activités de formation judiciaire
européenne à l’horizon 2020, et ce, notamment, grâce à l’instrument
financier « Justice Programme 2014-2020 ».
Conformément
à la feuille de route de la Commission, la nouvelle stratégie mise en
place pour la période 2019-2025 devrait aider les professionnels de
justice à garantir l'application correcte du droit de l'UE, à se former
sur l’acquis de l’Union et à élargir son champ d’application afin de
cibler d’autres professionnels du droit (i.e. les fonctionnaires de
prisons impliqués dans la lutte contre la radicalisation et la violence
extrémiste). Elle devra, enfin, tenir compte de la situation dans des
pays candidats et voisins vis-à-vis desquels l’appui à la coopération
judiciaire en matière pénale dans le cadre du contre-terrorisme et lutte
contre la cybercriminalité constitue une priorité majeure.
Une
évaluation de la politique de formation judiciaire mise en place en
2011 accompagne la nouvelle stratégie. Telle évaluation relève de
différentes sources et rapports annuels publiées par la Commission qui
mettent en relief les réalisations de la formation judiciaire. Cette
évaluation mettra en exergue les défis et les nouveaux objectifs
englobés par la nouvelle stratégie au-delà de 2020.
Dans
une perspective globale, les actions de formation nationales et
transfrontières visant les juges et procureurs de l’UE ne doivent pas
rester entravées d’obstacles par le manque de temps et de ressources
humaines dans les juridictions, la méconnaissance des langues étrangères
(English as lingua franca) ou de budget suffisant. Les États membres
sont appelés à considérer que le temps investi en formation est un
investissement continu qui garantit l’exercice de la justice.
Un
acteur clé dans le contexte de la politique européenne de formation
judiciaire est, sans aucun doute, le Réseau européen de formation
judiciaire (REFJ/EJTN), considéré par le Conseil au niveau de l’UE le
mieux à même de coordonner, grâce aux membres du réseau, des actions
nationales de formation et d’élaborer une offre de formations
transfrontières à l’intention des juges et des procureurs.
Réunis
à Amsterdam en 2016, les membres du REFJ ont adopté dans une
déclaration solennelle les neuf principes fondamentaux de la formation
judiciaire, principes qui reconnaissent l’importance et la spécificité
de la formation dont doivent bénéficier les juges et procureurs dans des
sociétés démocratiques.
Durant
la période 2019 et 2025, de nouvelles questions doivent être
considérées comme matières de formation (i.e. l’asile et l’immigration,
la preuve digitale, les garanties procédurales, la lutte contre toute
forme de criminalité par Internet ou la mise en place d’un parquet
européen), les compétences de gestion et de leadership que les
magistrats doivent acquérir pour faire face à ces défis et enfin
l’apprentissage par des nouvelles technologies.
La
nouvelle stratégie sur la formation judiciaire doit présenter un cadre
efficace et commun capable de guider les activités de formation des
magistrats européens dans un avenir où les nouvelles générations de
professionnels de la justice européenne joueront un rôle essentiel dans
l’espace de liberté, sécurité et justice.